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HISTOIRE
Nous avons tous un ancêtre grec! L'homme moderne occidental, quelles que soient ses origines, peut saluer la Grèce antique comme le berceau du progrès dont il jouit. De la machine à calculer à son bulletin de vote, des Jeux olympiques au vocabulaire de son analyste, la Grèce antique est partout présente dans son quotidien.
Il est intéressant de noter que, jusqu'au règne de Philippe Il de Macédoine, père d'Alexandre, les Grecs ne furent jamais unis politiquement ou territorialement. Si « Hellas » désigne aujourd'hui un pays, les anciens Hellènes ne partageaient guère que le sentiment d'appartenir à une même communauté ethnique, linguistique et religieuse, distincte des « barbares » (tous ceux ne parlant pas le grec...). Ce ne sera que bien plus tard que les Romains nommèrent les Hellènes « Grecs » (Graeci), du nom d'une obscure tribu.
Pour constituer et agrandir leur État nation, les Grecs ont dû se battre dans un contexte géopolitique incertain, mais avec l'appui d'une Europe admirative de son antiquité. Le bilan de plus d'un siècle et demi de construction nationale permet aux Grecs d'occuper une place prépondérante dans les Balkans et la Méditerranée orientale. La Grèce fut créée en 1821 par le rassemblement du Péloponnèse avec les régions d'Athènes et de Thèbes. Les îles ioniennes furent rattachées en 1864, la Thessalie en 1881, l'Epire, la Macédoine et la Crète en 1913 et enfin la Thrace occidentale en 1919.
Un passé prestigieux L'idéologie nationale est fondée sur l'idée de continuité de la «nation grecque» (Ellinikon Ethnos) depuis l'antiquité, bien qu'il soit évident qu'une histoire aussi longue a été enrichie de l'apport de populations et de cultures différentes. Pendant l'antiquité, l'hellénisme, le monde de langue et de culture grecques, s'étendait bien au-delà des frontières actuelles du pays. La culture grecque a été un élément fondamental de la civilisation de l'Empire romain. L'empire d'Orient - issu de la division de l'Empire romain au IVe siècle et de la création de la «deuxième Rome» à Constantinople - s'est progressivement transformé en un Empire byzantin chrétien et hellénisé. Pendant plusieurs siècles, la civilisation byzantine, que l'on peut considérer comme la seconde grande étape de la culture grecque, domine la Méditerranée orientale. Définitivement détruit lors de la prise de Constantinople par les Turcs en 1453, l'empire byzantin se transforme en un empire ottoman au sein duquel la nation grecque moderne voit le jour et va jouer un rôle notable. L'église grecque devient une institution officielle et influente; le Phanar (quartier du patriarcat à Constantinople) accueille l'intelligentsia grecque fournissant à la Porte médecins, interprètes, diplomates et gouverneurs. À partir du XVIIe siècle, les Grecs profitent de la pénétration occidentale et de l'influence russe croissante pour développer leur commerce et leur marine marchande, notamment par le biais des communautés commerçantes grecques jalonnant les grandes routes entre l'Occident et l'Orient.
Le début de l'histoire grecque Les premières traces de communautés sont vieilles d'environs 70.000 ans. Le VIIème millénaire av. J.-C. (néolithique) voit apparaître les premiers villages comme Néa Nikomidhia (Macédoine) créé vers 6.200 av. J.-C. Ces premiers foyers de civilisation sont d’influence indo-européenne venus d'Asie Mineure. De nombreux villages sont aussi créés au Vième millénaire. Mais le début de l’histoire grecque remonte à plus de 4000 ans. La population de la Grèce continentale, appelée hellénique, a lancé de grandes expéditions militaires et navales et a exploré les rives de la Méditerranée, de la mer Noire et de l’Atlantique aux montagnes du Caucase. L’une de ces expéditions, le siège de Troie, décrite dans l’Iliade d’Homère, constitue la première grande œuvre littéraire européenne. De nombreux vestiges des colonies grecques ont été trouvés sur tout le pourtour de la Méditerranée et de la mer Noire.
Age du Bronze (2350-1050 av. J.-C.)
Dès le début de l'âge du bronze (3000-1200 av. J.-C.) brille dans les Îles une civilisation dite "cycladique". Entre 2000 et 1100 av. J.-C., les Crétois dirigés par Minos, la tribu achéenne du Nord, puis les Doriens, 3 puissantes civilisations maritimes, se succèdent sur le sol grec. Bien que l'on pense que la culture minoenne était généralement paisible et harmonieuse, selon Homer cette période était un moment de violence et de guerres basées sur des rivalités commerciales. Vers 2000 av. J.-C. arrivent des "barbares" venus du Nord qu'on appellera les Achéens. Les nouveaux venus s'installent dans toute la péninsule et s'assimilent. 2000-1600 : civilisation minoenne en Crète Vers 1150 : Fin de la civilisation mycénienne
La civilisation mycénienne La civilisation dite mycénienne (1700-1100 av. J.-C.) s'impose et atteint son apogée entre les XIVe et XIIIe siècles av. J.-C. à la suite de l'effondrement de l'empire crétois. L'influence de la culture crétoise est d'ailleurs certaine : l'écriture syllabique dite "linéaire B" succède à une écriture hiéroglyphique, le "linéaire A" (non déchiffrée à ce jour). Cette écriture vient de Crète et se répand en Grèce continentale. Après l’effondrement de l'Empire crétois, les cités comme Mycènes, Tirynthe et Pylos deviennent autant de puissances régionales se distinguant par leur richesse. Dès le début quelques tombes royales apparaissent puis on y construit des palais somptueux. La guerre de Troie, en partie légendaire, montre en action les chefs de guerre à la tête de ces cités. Les Mycéniens ne font pas que se battre, ils nouent des rapports avec l'Orient, diffusent leur culture, poussant l'exploration jusqu'aux limites du monde connu.
L'Iliade et L'Odyssée Les Grecs, à quelques exceptions près, considèrent L'Iliade et L'Odyssée comme l'oeuvre d'un seul poète, Homère. La première Oeuvre raconte le déroulement de la guerre de Troie et la seconde le difficile retour d'Ulysse après la victoire des Grecs contre les Troyens. Nul ne sait à coup sûr où et quand Homère vécut (sans doute vers 750 av. J.-C.). La "biographie" établie par Hérodote fut écrite 300 ans après la mort d'Homère tout comme l'Oeuvre de ce dernier fut composée un demi-millénaire après les événements qu'elle raconte. Les savants modernes sont divisés sur le problème de déterminer si ces deux poèmes furent composés par le même auteur, ainsi que sur leur ancienneté. Mais derrière les poèmes homériques s'étendent des siècles de traditions orales transmises par des bardes professionnels, les aèdes. Dans les deux oeuvres, la population, hormis les héros nobles, est une masse vague dont le statut exact est tout à fait obscur. Les poèmes homériques restent le seul regard "vivant" que nous ayons sur le somptueux âge du bronze mycénien qui s'écroula tout au long du XIIe siècle av. J.-C.
Epoque géométrique (1050-700 av. J.-C.)
Les âges sombres qui suivirent sont des siècles de pauvreté et de désordre. C'est durant cette période que Zeus s'imposa davantage encore comme le dieu de la Souveraineté, conséquence bien naturelle dans un monde où le pouvoir est vacillant et contesté ! De nouvelles divinités originaires d'Asie s'introduisent dans le panthéon: Aphrodite -une Sémite que les Grecs ont empruntée à Chypre- ainsi qu'Apollon. Mais peu à peu, vers l'an 800 av. J.-C., se reconstituent des collectivités organisées, et le monde hellénique connaît alors un second apogée... qui commence avec la période dite archaïque.
Vers 900 av. J.-C. : un alphabet est créé, puis apparaît l’appellation hellène. L'écriture syllabique est remplacée par un véritable alphabet, emprunté aux Phéniciens. Cette nouvelle langue écrite est accessible à tous et non plus réservée aux scribes. Elle favorise le développement des cités-Etats. Vers 800 av. J.-C. : la Grèce subissait une renaissance culturelle et militaire, avec l'évolution des ville-état dont les plus puissantes étaient Athènes et Sparta évoluant dans deux directions différentes. Sparte se caractérise par son organisation militaire alors qu'Athènes, après une période marquée par la tyrannie, se dirige vers un type d'organisation qu'il fallait inventer, la démocratie. Cette période a été suivie d'une ère de la grande prospérité connue sous le nom d'âge classique ou âge d'or. 776 : Premiers jeux Olympiques
Epoque archaïque (700-480)
Entre 775 et 550 av. J.-C., des colons quittent la Grèce continentale pour s'installer sur tout le pourtour méditerranéen, de l'Espagne à l'Asie Mineure et à la mer Noire, avec une forte concentration en Sicile et en Italie du Sud qu'on va appeler la Grande-Grèce. Il s'agit en fait d'émigrants pauvres que les cités ne pouvaient plus nourrir. Ils vont faire rayonner l'hellénisme bien au-delà de la péninsule grecque. Ainsi Thalès, originaire d'Asie Mineure, une sorte d'ingénieur et de marchand bourlingueur (Afrique, Arabie, Babylone : pas mal pour l'époque) fit progresser les connaissances en astronomie et en géométrie. Il savait calculer la hauteur d'une pyramide d'après la longueur de son ombre: la science était en marche. Dans la foulée, Pythagore (569-506 av. J.-C.), originaire de Samos et émigré en Grande-Grèce, nous légua son fameux théorème: "Dans un triangle rectangle, le carré de l'hypoténuse est égal à la somme des carrés des deux autres côtés".
700 : Ecriture des poèmes homériques 566/65 : Premières Grandes Panathénées 527 : Mort de Pisistrate 510 : Fin de la tyrannie à Athènes 490 : Première guerre médique : victoire à Marathon des Athéniens de Miltiade sur les Perses de Darios.
Epoque classique (483-323 av. J.-C.)
Au cours de la période classique, au Vème siècle av. J.-C., la Grèce était composée de cités-états dont les plus importantes étaient Athènes, Sparte et Thèbes. L’implacable esprit d’indépendance et l’amour de la liberté des Grecs permettent de défaire les Perses au cours de batailles devenues célèbres dans l’histoire de la civilisation : Marathon, Thermopyles, Salamine, Platées. C'est à cette époque que Périclès a commandé le Parthénon et que la démocratie (littéralement, 'commande par le peuple ') a été inventé. L'éclat de ces victoires assure un prestige retentissant à Athènes, première des cités grecques, et le monde hellénique va s'épanouir encore plus. Le siècle de Périclès (Ve siècle av. J.-C.), véritable apogée de la civilisation grecque, se termine pourtant mal. Athènes, accusée d'être devenue hégémonique, indispose jusqu'à ses alliés. La guerre du Péloponnèse (431-404 av. J.-C.), opposant les camps de Sparte et d'Athènes, affaiblit les cités qui passeront sous domination macédonienne au siècle suivant. L'âge classique s'est donc terminé avec les guerres du Péloponnèse (431-404) dans lesquelles les Spartiates ont battu les Athéniens. Dans la première moitié du IVème siècle av. J.-C. se déroule la guerre de Thèbes contre Sparte. On y voit les victoires du Thébain Epaminondas à Leuctres (371) et à Mantinée (362), et du Thébain Pélopidas à Cynocéphales (364). Dans la deuxième moitié du IVème siècle av. J.-C., le roi Philippe II de Macédoine bat les Athéniens et les Thébains à Chéronée (338). Son fils, Alexandre le Grand (336-323) devient le premier grand conquérant de l'histoire, conquit la plus grande partie du monde alors connu et entreprend de l’helléniser. Ses successeurs, les diadoques, se partagent ses conquêtes : les Antigonides de Grèce, les Lagides d'Egypte, les Séleucides de Syrie.
480 Seconde guerre médique : 300 Spartiates sont morts en héros aux Thermopyles. Victoire navale à Salamine des Grecs de Thémistocle sur les Perses de Xerxès. Destruction de l'Acropole d'Athènes par les Perses 479 : À Platées, victoire des Grecs coalisés contre les Perses 462 : Début de la carrière de Périclès à Athènes 450-429 : Epoque de Périclès et de l'apogée athénienne. 449/48 : Paix entre Athènes et le Grand Roi 431-404 : Guerre du Péloponnèse entre Athènes et Sparte : elle est marquée par l'expédition de Sicile sous la conduite d'Alcibiade. Athènes prise par le Spartiate Lysandre en 404. Gouvernement éphémère des Trente Tyrans à Athènes. 429 : Mort de Périclès 399 : Condamnation à mort de Socrate 360 : Philippe II roi de Macédoine 356 : Naissance d'Alexandre le Grand 338 : À Chéronée, défaite d'Athènes devant Philippe II480 Seconde guerre médique et destruction de l'Acropole d'Athènes par les Perses
La démocratie athénienne En Attique (région d'Athènes), les pauvres et les opprimés étaient, plus qu'ailleurs sans doute, intelligents et courageux. Ils comprirent vite qu'ils devaient se grouper surtout dans les villes et leurs faubourgs et, après maints échecs, ils parvinrent à tenir tête aux nobles et aux puissants. Athènes, après avoir connu l'oligarchie et la tyrannie, devint au Ve siècle av. J.-C. une communauté (synoikismos), une démocratie directe, non parlementaire, au fonctionnement complexe. Au départ, cette démocratie était de fait dirigée par des citoyens-guerriers capables d'assumer des charges militaires mais son fonctionnement, très complexe, donnait la parole à chaque homme libre de la cité. Lorsque Athènes est devenue un empire maritime, demandant une flotte nombreuse en hommes, l'assise de la démocratie s'est élargie. L'assemblée du peuple (ecclesia), où tous les citoyens du dimos pouvaient siéger, discutait des projets qui lui étaient soumis par une autre assemblée (la Boulè) de 500 citoyens tirés au sort, âgés de 30 ans au moins, et avait de larges pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires. La magistrature la plus haute, la stratégie, était élective (on votait à main levée) : chaque année, dix stratèges étaient ainsi désignés (Périclès le fut 15 fois) pour diriger la démocratie. A la fin de leur charge, les élus devaient rendre des comptes. Mais cette démocratie directe avait ses limites : ni les femmes, ni les métèques (autrement dit tous les étrangers à la cité, même grecs, comme Aristote, né en Macédoine, qui était un métèque à Athènes !), ni les esclaves n'étaient des citoyens et ne pouvaient prendre part aux décisions. Il fallait même être de père et de mère athénienne pour être considéré comme citoyen. On estime qu'ils n'étaient, à l'époque classique, guère plus de 40000 à posséder la citoyenneté, sans que les exclus du système politique se sentent pour autant rejetés de la vie athénienne (les esclaves, par exemple, n'étaient pas" esclaves " au sens que le mot a pris). Athènes n'était qu'une cité parmi 700 autres, sans aucun doute la plus brillante en raison de l'importance qu'y a pris la culture (qu'on songe seulement que le théâtre ne s'est guère développé qu'en Attique) et la démocratie n'a concerné que quelques-unes de ces cités, les autres connaissant souvent la tyrannie. Et n'oublions pas non plus que la démocratie athénienne a été combattue par ses adversaires partisans de l'oligarchie (littéralement : le commandement de quelques-uns). Pour Aristote, la démocratie n'était pas respectueuse de la liberté de chacun ! C'était une sorte de dictature exercée par la masse... Les citoyens athéniens se réunissaient sur la colline de la Pnyx pour voter. Mais les abstentions devinrent de plus en plus nombreuses. Vint un temps où l'on du user d'un procédé qui s'apparente à la rafle pour réunir 5000 assistants, quorum légal pour certaines séances. C'est ainsi que les citoyens étaient littéralement poussés par les archers qui tendaient, en travers de l'agora et des rues voisines, des cordeaux teints en rouge. Ceux qui s'étaient laissé marquer de rouge ne touchaient pas l'indemnité accordée aux participants à l'assemblée. Les Athéniens inventèrent aussi l'ostracisme, gardien de la démocratie. Pénalité unique en son genre, l'ostracisme était un véritable rempart contre la tyrannie. Un citoyen menaçant le pouvoir du peuple par ses ambitions et ses actes était banni pour 10 ans par l'assemblée, à condition tout de même que 6000 votants se prononcent contre lui. Cette mesure ne punissait pas obligatoirement un acte commis, mais visait à prévenir toute ambition dictatoriale. L'ostracisé n'était alors pas dépossédé de ses biens et avait 10 jours pour préparer son départ...
Le Royaume de Macédoine Pris dans les guerres du Péloponnèse, les Spartiates n'ont pas noté dans le nord l'expansion du Royaume de Macédoine ce qui lui permit de conquérir facilement les villes-états lassées par la guerre. Les ambitions de roi Philippe ont été surpassées par son fils Alexandre le grand ayant envahi l'Asie Mineure, l'Egypte (où il a été proclamé pharaon et fonda la ville d'Alexandrie), la Perse et les régions que sont actuellement l'Afghanistan et l'Inde.
Epoque hellénistique (323-31 av. J.-C.)
323 : Mort d'Alexandre le Grand 285-246 : Ptolémée Il Philadelphe roi en Égypte En 205 av. J.-C. se déroulent les premières incursions romaines en Grèce et en 146 av. J.-C. la Grèce et la Macédoine deviennent des provinces romaines. Vers 30 : Vitruve rédige le De Architectura
Période romaine : 31 av. J.-C. à 284 après J.-C.
À la mort prématurée d'Alexandre, ses successeurs avaient de belles parts de gâteau à se partager. Mais un tel Empire, même morcelé, était difficile à maintenir, d'autant que les Romains commencèrent à s'intéresser à la Grèce. 150 ans après sa mort, la Grèce tomba définitivement entre les mains des Romains. Les anciens colonisés de la fin de l'époque archaïque devinrent ainsi colonisateurs de leurs propres colonisateurs tout en se refaisant coloniser, du moins culturellement parlant. Etat de fait qui n'aurait certainement pas déplu à Socrate! En effet, l'Empire romain fut partiellement bâti sur les acquis du monde hellénique... De plus, les Romains diffusèrent cette culture à travers leurs propres conquêtes. Mais l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie, en 48 av. J.-C., allait entraver la grande marche de l'humanité, modifier son évolution, et rejeter l'Europe dans le gouffre de l'ignorance.
27 : Auguste devient empereur ÈRE CHRÉTIENNE : 23-79 117-138 : Hadrien empereur Au IIème siècle ap. J.-C., l'empereur Hadrien et le sophiste Hérode Atticus embellissent Athènes.
De 285 à 1452
393 : Dernière célébration des Jeux Olympiques. 395 : Envahissement et ravages de la Grèce par les Goths. Création de l'Empire Romain d'Orient ou Empire Byzantin (395-1453) avec Constantinople comme capitale. 529 : L'empereur byzantin ferme les écoles philosophiques d'Athènes. 1204 : IVème croisade. Fondation par les occidentaux de l'Empire Latin de Constantinople et conquête de la Grèce. 1261 : Fin de l'Empire latin de Constantinople.
La période byzantine En 285, sous le règne de Dioclétien, l'empire romain fut divisé en une partie orientale et une partie occidentale. En 330, Constantin choisit comme capitale de l'empire d'Orient l'antique cité grecque de Byzance qu'il rebaptisa Constantinople - la ville de Constantin. Puis le monde romain d'Occident, sous la pression des barbares, sombra dans le marasme, tandis que Constantinople affirma sa suprématie pendant un millénaire au cœur du grand empire byzantin. Le nouvel Empire est fortement hellénisé mais cet hellénisme est lui aussi fortement orientalisé. Si Byzance représentait une fusion d'éléments grecs et latins, la langue, la littérature et l'éducation helléniques étaient communes à l'ensemble de l'état. L'empire byzantin jouissant d'une culture florissante et d'une grande prospérité commerciale, étendit sa domination sur un vaste territoire de l'Europe à l'Asie. Ce fut aussi le foyer de propagation du christianisme à travers les Balkans et l'Europe orientale; l'apport de Byzance fut primordial dans la conversion de la Russie kiévienne au Xe siècle.
Bien que le grec fût la langue officielle de l'empire d'Orient, celui-ci était formé d'une mosaïque de peuples; il n'existait pas de conscience nationale au sens moderne du terme. L'état byzantin veilla néanmoins à sauvegarder et transmettre le patrimoine culturel hellénique, tout en conservant à la langue grecque son prestige et sa place au sein de l'administration et de la civilisation du monde oriental. Au XIXe siècle, les Grecs modernes se sentaient à la fois les héritiers légitimes du patrimoine byzantin et de la Grèce antique.
Les invasions Durant la période byzantine, ce fut non pas la Grèce continentale mais Constantinople qui demeura le véritable foyer de la culture et de la prospérité helléniques. La Grèce proprement dite connut un déclin brutal de ses activités commerciales et agricoles, tandis qu'Athènes perdit sa réputation de centre intellectuel. Pendant toute la durée de l'époque byzantine, la Grèce continentale et les îles durent, en outre, se soumettre à des envahisseurs qui modifièrent radicalement la composition raciale de la population et eurent un effet désastreux sur la prospérité et le développement du pays. Aux IVe et Ve siècles, la Grèce passa sous le contrôle des Wisigoths, des Vandales, des Ostrogoths et des Huns. Du VIe au Xe siècle, elle vit successivement pénétrer les Slaves, les Bulgares, les Avars, les Cumans et les Petchenègues (Patzinaks). Au XIe siècle, les Valaques, apparentés aux Roumains modernes, s'implantèrent en Thessalie. Aux XIe et XIIe siècles, les Normands, les Vénitiens et les croisés constituèrent la menace principale. Aux XIVe et XVe siècles, ce furent les Albanais qui y établirent d'importantes colonies. De tous ces peuples, les Slaves eurent l'influence permanente la plus marquante, mais aussi la plus controversée. Dès le VIe siècle, ils poussèrent leurs tribus jusqu'en Macédoine, en Épire et en Thessalie pour atteindre la Crète en 623. Elles se fixèrent progressivement dans cette contrée et adoptèrent la langue grecque.
Jusqu'au XIe siècle, la Grèce continentale fut avant tout menacée au nord et à l'est par les incursions des peuples cités précédemment et les pressions de l'empire bulgare. Le principal danger vint ensuite de l'Occident avec, en premier, les Normands occupant le sud de l'Italie, puis Venise dont la puissance commerciale croissante gagna l'ensemble du bassin méditerranéen. La quatrième croisade eut, cependant, les conséquences les plus notoires pour le développement de la Grèce. En 1204, les croisés, sous l'influence vénitienne, oublièrent les «infidèles musulmans» pour s'emparer de Constantinople, place forte de la chrétienté, où ils se livrèrent au pillage. Les Vénitiens se partagèrent ensuite les pans de l'État impérial avec les seigneurs féodaux d'Europe. La Grèce continentale et insulaire perdit alors l'unité réalisée sous l'Empire. Certains des royaumes constitués à cette époque eurent une longue vie, comme la principauté d'Achaïe (1209-1432) fondée par Geoffrey de Villehardouin et le duché de l'Archipel (1207-1566). Venise et Gênes firent aussi l'acquisition de vastes provinces. Venise prit ainsi possession de la Crète, de 1204 à 1669, et d'Eubée, de 1209 à 1470. La domination franque fut impopulaire. Peu après l'introduction du féodalisme occidental, le conflit ne tarda pas à éclater entre la hiérarchie catholique des conquérants et l'Église orthodoxe du peuple. Nombreux furent ceux qui accueillirent les Turcs ottomans en libérateurs face à la tyrannie des Francs.
Bien qu'ayant retrouvé une partie de son pouvoir perdu après 1261, l'état byzantin n'était pas en mesure de rétablir sa souveraineté sur l'ensemble du monde grec. Deux nouveaux et puissants ennemis, l'empire serbe du tsar DuUan et les Turcs ottomans, semblaient menacer son existence. Le danger serbe diminua après la mort de DuUan en 1355, mais en 1453, les Turcs ottomans occupèrent Constantinople devenant alors le centre d'un grand empire islamique.
De 1453 à 1820
1453 : Prise de Constantinople par le turc Mahomet II. Fin de l'empire byzantin. La Grèce passe sous la domination turque. 1674 : Le marquis français de Nointel, de passage à Athènes, fait réaliser par son peintre les dessins (conservés au Louvre) de la sculpture décorative du Parthénon (frontons et métopes). 1687 : Prise d'Athènes par l'amiral vénitien Morosini qui bombarde l'Acropole. Destruction partielle du Parthénon et de ses sculptures. 1801 : Lord Elgin vole des sculptures de l'Acropole (emmenées à Londres).
Le pouvoir et le régime ottoman La prise de la capitale byzantine Constantinople par les Turcs (sous Mahomet II) en 1453 marque, en principe, le début de la période de domination ottomane, qualifiée de turcocratie dans l'histoire de la Grèce. Toutefois, les forces ottomanes contrôlaient déjà la majeure partie de la Grèce continentale. La conquête ottomane de la péninsule balkanique commença en 1365 avec la chute d'Andrinople (Édirne). La Macédoine connut l'occupation en 1380 et la Thessalie en 1393. Le reste de la Grèce tomba peu après sous le joug du nouveau conquérant. Si Venise gardait toujours la mainmise sur un certain nombre d'îles, de ports et de points stratégiques, l'état ottoman s'affirmait comme la puissance dominante du Proche-Orient. En 1470, la Grèce proprement dite fut divisée en six sandjaks ou régions administratives. Au cours des quatre siècles suivants, Constantinople demeura, même sous le pouvoir ottoman, le foyer vital de la culture et de l'influence helléniques. La Grèce continentale soumise à la domination turque resta une région arriérée et appauvrie, comme au temps de l'hellénisme byzantin.
À l'instar des autres populations chrétiennes des Balkans asservies, les Grecs furent soumis à un seul et unique système de gouvernement ottoman. Pour les Ottomans, la religion, et non pas la nationalité, constituait le fondement de la division politique. Les peuples conquis étaient libres d'embrasser la foi islamique. Parmi les Grecs, seuls les Crétois avaient massivement suivi cette voie. Une fois islamisés, ils pouvaient devenir membres de la classe dirigeante et accéder à un poste privilégié au sein de l'État. Ceux qui choisissaient de rester chrétiens recevaient un statut subalterne et devaient se conformer au système du millet établissant une répartition des populations selon leur confession religieuse. Ainsi, les Grecs byzantins furent assimilés au millet orthodoxe formant le plus important de ces groupes. Ils relevaient de la juridiction du patriarche de Constantinople, considéré comme un haut dignitaire du gouvernement ottoman.
Durant la première période de la domination ottomane, l'organisation religieuse reflétait les divisions nationales des Balkans. Les Serbes étaient placés sous l'autorité du patriarcat de Pe0, les Bulgares étaient soumis à l'archevêché d'Ohrid (Okhrid) tandis que l'image du patriarche de Constantinople demeurait étroitement liée à l'identification des intérêts grecs. Dans un premier temps, le système ottoman n'imposa pas de lourdes charges aux populations asservies. À l'échelon local, le paysan et le villageois grecs jouissaient d'une grande autonomie. La gestion des affaires communales était confiée à des notables locaux. Quelques îles grecques et certaines régions de la Grèce continentale jouissaient de droits et de privilèges dans le cadre du pouvoir ottoman. À certains égards - par exemple, en matière de tolérance religieuse - le système était plus avancé qu'en Europe occidentale. Par ailleurs, la fiscalité et le régime général de la terre étaient plus favorables aux paysans que sous la tutelle byzantine dans la mesure où leur statut ne les transformait pas en serfs, sur le modèle de la féodalité occidentale. Les sujets chrétiens payaient généralement la dîme pour leurs terres, un impôt individuel et quelques autres redevances. Ils éprouvaient une méfiance naturelle à l'égard de la puissance musulmane à laquelle ils étaient assujettis, mais à cette époque, leur église se montrait plus hostile envers le catholicisme et l'Occident qu'envers l'islam, comme en témoigne l'adage populaire «mieux vaut l'épée des Turcs que le pain des Francs».
À cette époque, les chrétiens convertis occupaient une place prépondérante dans l'administration publique, grâce à l'institution d'une taxe sur les enfants, le devçirme (devshirme). Un grand nombre d'enfants chrétiens fournis en tribut par les peuples vaincus étaient enlevés à leurs familles et conduits à Constantinople pour y être élevés dans l'islamisme. Les meilleurs d'entre eux étaient admis à la cour du sultan où ils recevaient une formation d'administrateurs de l'Empire. Les autres rejoignaient le corps d'élite des janissaires fondant la supériorité militaire ottomane. L'institution fut abolie en 1637.
La structure sociale lors du déclin ottoman Le règne de Soliman le Magnifique (1520-1566) marqua l'apogée de l'empire. Après sa mort, l'état connut un rapide déclin. La corruption et la mauvaise gestion des affaires publiques finirent par caractériser le pouvoir central et provincial. Les armées ottomanes n'étaient plus uniformément victorieuses, privant ainsi l'état d'un butin de guerre. Les conditions imposées par le régime foncier étaient devenues plus pénibles pour les paysans, les impôts ayant beaucoup augmenté et leurs prélèvements s'accompagnant souvent d'abus et de violence.
Au moment du déclin, certaines catégories de la population grecque purent bénéficier de ce que l'historien britannique Arnold Toynbee qualifie de «partenariat privilégié» au sein de l'empire. Dans un premier temps, des Grecs furent désignés à certains postes au sein du gouvernement ottoman, de par leur connaissance des langues et leurs compétences administratives. Les plus hautes fonctions étaient celles de drogman de la Porte (qui équivaut en importance à la place de ministre des Affaires étrangères de l'Empire), drogman de la Flotte, hospodar (voïévode) ou gouverneur des pays danubiens qu'étaient la Moldavie et la Valachie. Les Grecs occupaient aussi une position de force dans la hiérarchie ecclésiastique orthodoxe dont la langue courante était le grec. Au XVIIIe siècle, cette influence hellénique contribua à garantir la dissolution des organes ecclésiastiques serbes et bulgares de Pe0 et d'Ohrid et la substitution de l'hellénisme. L'Église orthodoxe était aussi corrompue que l'État ottoman; les charges ecclésiastiques, comme celle de patriarche, pouvant s'acheter et se vendre.
Les Grecs placés dans l'administration ottomane demeuraient en général à Constantinople, dans le quartier du Phanar, d'où leur nom de phanariotes. Outre les phanariotes, la classe mercantile grecque ayant élargi ses activités commerciales au sein de l'empire, jouait aussi un rôle prépondérant dans l'état ottoman. Elle affirma son pouvoir à la fin du XVIIIe siècle, grâce à la libre navigation l'autorisant à battre pavillon russe et aux guerres que se livraient l'Angleterre et la France au cours de la Révolution française. Les phanariotes, proches du pouvoir ottoman et de l'Église orthodoxe, et les commerçants qui pouvaient voyager et faire prospérer leurs entreprises, avaient un mode de vie et de pensée bien différent de celui des paysans de la Grèce continentale. Tous s'unirent cependant pour renverser le gouvernement ottoman car malgré la place relativement importante de certains Grecs, l'ensemble du monde hellénique était au bord de la révolte à la fin du XVIIIe siècle. L'évolution des relations internationales en est l'une des causes essentielles. Depuis la fin du XVIIe siècle, la Russie et l'Empire des Habsbourg qui étaient alliés, avaient infligé de multiples défaites à l'État ottoman. L'intérêt évident que portait, à l'époque, la Russie au sort des chrétiens orthodoxes sous le joug ottoman devait prendre une signification particulière dans la suite des événements en Grèce. La Russie était désormais la nation vers laquelle se tournaient les chrétiens orthodoxes pour demander de l'aide. En 1770, Catherine la Grande envoya un détachement symbolique dans le Péloponnèse pour inciter le peuple à la rébellion.
La révolution grecque La fin du XVIIIe siècle marqua une nouvelle prise de conscience de l'identité nationale grecque. Les commerçants formant une classe importante et prospère, en étroite relation avec l'Occident, furent profondément influencés par les notions de liberté et de nationalisme que leur inspirait l'idéologie de la Révolution française. Des poètes, intellectuels, écrivains et chefs révolutionnaires, comme Rhigas Phéraios ou Adamantios Korais, qui figurent parmi les animateurs les plus remarquables et véhiculèrent ces idées pour les appliquer à la situation de la Grèce sous domination ottomane. Ils rappelèrent au peuple grec son passé glorieux, notamment la splendeur de la Grèce antique, et opposèrent leurs points de vue de l'époque avec les conditions du régime ottoman.
L'état de guerre quasi permanent et la désintégration progressive du pouvoir central contribuèrent au déclin inexorable de la Grèce continentale. Pour venir à bout de la révolte de 1770, l'Empire ottoman envoya dans le Péloponnèse des troupes albanaises qui dévastèrent la région pendant neuf ans. En outre, certains gouverneurs provinciaux, comme Ali Pacha de Janina ayant joué un rôle primordial dans la conduite des affaires grecques, purent défier l'autorité du pouvoir central. L'incapacité de l'état ottoman à maintenir l'ordre à l'intérieur de ses frontières, ainsi que la montée du sentiment national grec furent les signes avant-coureurs de la révolution. Une grande partie de la population de la Grèce continentale était organisée en bandes armées plus ou moins reconnues. Après l'éclatement de la révolte, les flottes marchandes des commerçants et de la population insulaire jetèrent les fondements d'une marine nationale.
De 1821 à 1830
1827 : Capodistria est élu président de la république grecque.
En dépit des hésitations des principales figures politiques de la communauté grecque-orthodoxe et de la situation politique critique de l’Europe de la Restauration, une révolte éclata à l’instigation de la Philiki Etaireia («Société amicale»). Les initiatives de cette société secrète fondée à Odessa en 1814, précipitèrent la révolution grecque débutant dans les principautés danubiennes fortement influencées par la Grèce. En mars 1821, le prince Alexandre Ypsilanti, aide de camp du tsar Alexandre Ier de Russie, traversa le fleuve Pruth (Prut) et pénétra en Moldavie. Les troupes grecques sous son commandement furent rapidement vaincues par l'armée ottomane et le mouvement contre-révolutionnaire roumain. Mais, entre-temps, une révolte éclata le 25 mars dans le Péloponnèse et s’étendit à de nombreuses régions grecques, du Péloponnèse à la Macédoine. Ce soulèvement allait être le prélude à dix années de révolution et de guerre civile en Grèce. Cette révolte était menée par des militants patriotes et influencée par des mouvements européens libéraux et nationalistes. Dès le départ, le discours des autorités révolutionnaires fut libéral et républicain, et de toute évidence, les premières constitutions du jeune État hellénique (1822, 1823 et 1927) sont directement inspirées des Révolutions française et américaine. L’identification à un hellénisme ravivé, à la démocratie et à la souveraineté nationale véhiculée par ces hommes, donna un nouvel élan à ces principes, tant en Grèce qu’en Europe. Un mouvement de solidarité se développa parmi les intellectuels et les libéraux européens. Ils voyaient en la Révolution grecque l’avènement triomphant du libéralisme dans une aire de Restauration aristocratique, et la sublime résurrection de la matrice classique la plus pure de la démocratie et des lumières. Le mouvement philhellénique appuya activement la Révolution grecque. À cet égard, le poète romantique anglais, Lord George Gordon Byron est la figure la plus emblématique d’un très grand nombre de philhellènes européens, qui luttèrent, parfois au prix de leur vie, afin que "la Grèce puisse demeurer libre". Si une bonne partie du peuple (marins, paysans...) n’avaient qu’une image confuse et rudimentaire du projet démocratique et libéral de la Philiki Etaireia, elles répondaient néanmoins à son appel en faveur d’une République hellénique indépendante et d’une constitution garantissant une émancipation politique et sociale, ce qui signifierait la liberté pour tous. Ces idées, même si elles étaient souvent mal comprises, galvanisèrent une vaste majorité de la population grecque-orthodoxe de Grèce continentale et les encouragèrent à entreprendre une lutte acharnée à l’encontre des armées ottomanes. En douze ans de conflit, la population chuta d’environ 940.000 personnes à 753.000. Au début, les insurgés remportèrent des victoires successives. Ils prirent le contrôle du Péloponnèse et des territoires au nord du golfe de Corinthe. Telle fut la limite de leur champ d'action. Le Péloponnèse demeura ensuite le foyer de la révolution. Les navires grecs aidèrent aussi à libérer quelques îles. Malheureusement, le maintien de l'autorité grecque fut ébranlé durant toute la révolution du fait des dissensions permanentes et de la guerre civile qui s'ajouta à la révolution. En janvier 1822, une Assemblée nationale réunie à Épidaure rédigea une Constitution et élut son premier Président, le phanariote Alexandre Mavrocordatos. Mais son gouvernement fut incapable de réellement fonctionner et de réconcilier les factions rivales. Les gouvernements suivants furent tout aussi incapables de réaliser une unité de commandement. Cette année 1822 est aussi marquée par le massacre par les Turcs des Grecs de Chio, la prise d'Athènes par les Grecs, les exploits en mer de Canaris et de Miaoulis et le siège de Missolonghi où décèda le poète anglais Lord Byron en 1824. Les premières années, dans certaines régions, les armées ottomanes ne parvenaient pas, malgré leurs terribles atrocités, à écraser la résistance grecque. Rien ne pouvait mettre fin à la révolte, pas même l’intervention de l’armée égyptienne modernisée, provoquant la désolation dans les campagnes et surtout d’énormes massacres en Crète et en Morée. Parallèlement, le concert des puissances conservatrices européennes se trouvait ébranlé devant tant de détermination à vouloir subjuguer la révolte grecque. Cette instabilité politique intérieure ne tarda pas à faire perdre aux forces helléniques leur avantage initial. En 1825, le pouvoir ottoman, incapable de contrôler la révolte avec sa propre armée, demanda le renfort du pacha d'Égypte, Mehmet Ali. La Crète et le Péloponnèse lui avaient été promis en rétribution pour la victoire. Les forces égyptiennes commencèrent par occuper la Crète et pénétrèrent dans le Péloponnèse. La révolution grecque parut alors compromise.
L'intervention étrangère Il était évident, à partir de 1826, que les Grecs ne pouvaient pas réussir sans une aide extérieure. Après le déclenchement de la révolution en 1821, les chances d'obtenir cette aide extérieure semblaient assez faibles. La Grèce se tourna d'abord vers la Russie, mais Alexandre Ier, en raison de ses convictions politiques personnelles, refusa d'apporter son soutien à une révolte contre l'autorité légitime de l'état. Dans les années qui suivirent, la Grèce se tourna vers les pays occidentaux, notamment la Grande-Bretagne. La cause grecque trouva dans le philhellénisme un allié inestimable pour la suite. Lorsqu'il devint évident que la révolution grecque n'allait pas être immédiatement étouffée, la lutte des Grecs suscita beaucoup d'intérêt et de sympathie en Europe. Les intellectuels européens comparèrent les Grecs modernes à leurs ancêtres de leurs études classiques et firent pression sur leur gouvernement afin de soutenir les insurgés. La mort du poète Byron en 1824, à Missolonghi, et l'entrée d'autres Européens dans le conflit contribuèrent à mobiliser l'opinion publique européenne. L'intervention de l'Égypte et la sympathie du peuple égyptien obligèrent finalement les gouvernements européens à agir. En 1826, la Russie et l'Angleterre signèrent le protocole de Saint-Pétersbourg. Elles furent rejointes en 1827 par la France ratifiant le traité de Londres. Ces accords avaient pour but d'arbitrer le conflit et prévoyaient la reconnaissance d'un régime d'autonomie pour la Grèce insurgée. En octobre 1827, une escadre anglo-franco-russe patrouillant en Méditerranée détruisit la flotte turco-égyptienne lors de la bataille navale de Navarin. Dans les mois qui suivirent, ce conflit accompagnés d'autres dissensions eurent pour effet d'envenimer les relations entre la Russie et l'empire ottoman. La guerre fut déclarée en avril 1828. Après une campagne difficile, l'armée russe avança jusqu'aux portes de Constantinople. Par le traité d'Andrinople, en septembre 1829, la Russie passa un accord avec la Turquie, contrainte de reconnaître l'existence d'un état grec autonome.
Othon Ier (1833-1863) et un État occidental en Orient (XIXe siècle) Durant la guerre russo-turque, les gouvernements britannique et français conclurent un accord avec Mehmet Ali en faveur du retrait des forces égyptiennes du Péloponnèse. En 1827, la Grèce fit appel à Ioánnis Kapodhístrias (Jean Capo d'Istria), ancien ministre des Affaires étrangères du tsar Alexandre Ier, pour former un nouveau gouvernement. Capo d'Istria tenta de réorganiser l'administration sur un modèle centralisé, fort, et de jeter les fondements d'un État moderne. Son caractère absolu autocrate et les jalousies naturelles que suscitaient son statut et son pouvoir entraînèrent de profondes divisions au sein de la classe politique grecque. Son assassinat, en 1831, sema le trouble dans le pays, mais entre-temps, les grandes puissances avaient déjà pris des mesures pour donner à la Grèce son premier gouvernement indépendant.
De 1830 à 1843
En 1830, elles décidèrent la création d'un état grec indépendant, totalement séparé du pouvoir ottoman, mais avec des frontières restreintes. L'accord final de 1832 étendit la frontière du golfe de Volos (Pagasai) en Thessalie jusqu'au golfe d'Arta en Épire. Athènes fut ainsi rattachée à la Grèce, mais le nouvel état ne comptait alors qu'une population de 800 000 habitants. Trois fois plus de Grecs étaient restés sous domination ottomane. La Grèce fut placée sous la triple protection de la France, de la Grande-Bretagne et de la Russie qui allaient par la suite intervenir en permanence dans ses affaires intérieures. Les trois puissances délimitèrent non seulement les frontières de l'état grec indépendant, mais elles en choisirent aussi le souverain et définirent la forme de gouvernement. Le trône fut d'abord offert au prince Léopold de Saxe-Cobourg qui le refusa. Le roi Louis (Ludwig) Ier de Bavière en accepta finalement la charge au nom de son fils cadet de 17 ans, devenant le roi Othon Ier. Entouré de troupes et de conseillers bavarois, il abolit les formes d'administration locale. Succédant à Nauplie, Athènes, la nouvelle capitale, centralise tous les pouvoirs. L'Église du royaume est déclarée autocéphale, c'est-à-dire qu'elle devient indépendante de Constantinople.
En raison de la situation intérieure critique de la Grèce, les puissances acceptèrent le régime absolutiste du roi Othon et la dispersion des forces armées grecques. Près de 3 500 soldats européens, surtout allemands, furent engagés à leur place pour constituer l'armée du nouvel état grec. Etant mineur, Othon fut secondé par une régence composée de trois Bavarois: le comte Von Armansperg, le général Karl Heidegger et Georg von Maurer. Malgré la présence dans l'administration de quelques Grecs phanariotes, comme Ioannis Kolettis ou Alexandre Mavrocordatos, le premier gouvernement grec indépendant était essentiellement composé de Bavarois. Les régents, tous compétents dans leur domaine, décidèrent de créer un état centralisé, inspiré des modèles européens reconnus qu'ils jugeaient les meilleurs pour la Grèce. Maurer, historien en droit, fut chargé de rédiger le code juridique et le gouvernement institutionnalisa l'enseignement public. En 1837, la première université de l'État grec fut créée à Athènes. L'Église grecque fut séparée du patriarcat œcuménique de Constantinople, considéré comme étant sous domination ottomane. La ville d'Athènes, petit bourg insignifiant en 1830, fut restructurée pour devenir la capitale du pays.
Malgré les améliorations incontestables et les efforts sincères du souverain et de ses conseillers, le gouvernement se heurta à un vaste mécontentement. Les Bavarois étaient détestés parce qu'ils étaient étrangers et la plupart de leurs initiatives étaient malvenues et beaucoup trop coûteuses pour la Grèce appauvrie des années 1830. Les régents étaient aussi souvent en désaccord. En outre, trois partis politiques - les partis «français», «anglais» et «russe» - firent leur apparition, chacun d'eux étant lié au pays dont il portait le nom. Comme les puissances protectrices étaient en conflit mutuel, cette situation contribua à accroître l'instabilité à l'intérieur du pays. En 1835, Othon, devenu majeur, introduisit un nombre plus important de Grecs dans le gouvernement et ne garda qu'un ministre bavarois.
De 1843 à 1861
Les échecs de la politique étrangère, la détérioration rapide des finances publiques et les rivalités politiques entre les partis aboutirent au coup d'État de 1843, dirigé par les factions pro-britanniques et pro-russes. Othon fut contraint d'accepter l'instauration d'une monarchie constitutionnelle. La Constitution rédigée en 1844 établit une législature comprenant deux Chambres: le Sénat, composé de 27 membres, et le Parlement, élu au suffrage universel masculin. Si la monarchie constitutionnelle était théoriquement instaurée en Grèce, le fonctionnement du gouvernement n'avait guère changé dans la pratique. Le roi Othon, avec la collaboration de Kolletis, du parti français connaissant bien les méthodes de gouvernement appliquées en France sous le règne de Louis-Philippe, dirigea simplement les élections; les candidats royalistes sortant toujours vainqueurs. Cette méthode de gouvernement porta ses fruits en raison de la popularité du parti français et le roi adopta d'emblée la politique d'expansion nationale souhaitée par le peuple grec. Le projet national grec formulé à l'époque porte le nom de Megale Idea (la «Grande Idée») dont certains partisans préconisaient un programme politique limité, visant à intégrer l'ensemble de l'hellénisme sous domination étrangère dans l'état grec. D'autres rêvaient de manière plus ambitieuse de recréer l'empire byzantin et formulaient en particulier le projet de reprendre Constantinople pour en faire la capitale de l'état grec. La Grande-Bretagne, entendant préserver l'intégrité territoriale de l'empire ottoman, était plus fermement opposée à l'instauration d'un grand hellénisme. Les forces britanniques et françaises occupèrent le Pirée de 1854 à 1857 pour empêcher le gouvernement grec de profiter de la guerre de Crimée afin de neutraliser les territoires peuplés de Grecs.
De 1862 à 1912
1881 : La Thessalie et une petite partie de l'Épire rejoignent l'État grec. 1893 : Inauguration du canal de Corinthe.
L'abdication d'Othon La guerre de Crimée (1854-1856) marqua l'apogée du règne d'Othon. Très vite toutefois, le mécontentement se manifesta de nouveau à l'encontre de son gouvernement. Othon n'ayant pas d'enfant, ses héritiers seraient ses frères élevés dans la foi catholique romaine. Ils ne pouvaient donc pas prétendre à la succession selon la Constitution exigeant l'orthodoxie pour son successeur. Le roi s'était aussi attiré l'hostilité de la Triple Alliance. Lors du troisième coup d'État d'octobre 1862, Othon ne tenta pas d'opposer une véritable résistance, mais préféra regagner tranquillement la Bavière. Devant la vacance du trône, les trois puissances protectrices se réunirent une fois encore afin de choisir un nouveau roi pour la Grèce.
Georges Ier (1863-1913) Le choix d'un monarque se porta de nouveau sur le deuxième fils du futur roi du Danemark, le jeune prince Guillaume Georges Glycksbourg, alors âgé de 18 ans, devenant Georges Ier, roi de Grèce. Son titre permettait d'asseoir sa suprématie théorique sur l'ensemble des populations grecques à l'intérieur comme à l'extérieur du pays. Le choix d'un nouveau roi présenté à l'instigation de l'Angleterre s'accompagna de la cession à l'état grec des îles Ioniennes (l'Heptanèse), maintenues sous protectorat britannique depuis 1815. Une nouvelle Constitution fut rédigée en 1863. Extrêmement démocratique, elle prévoyait une législature à chambre unique basée sur une représentation proportionnelle et élue au suffrage universel masculin, secret et direct. Les pouvoirs du roi étaient encore plus limités.
Rivalité de partis Malgré la présence d'un nouveau monarque et d'autres dispositions constitutionnelles, la vie politique grecque demeura instable. Après la guerre de Crimée, les partis fondés sur des liens étrangers avaient été dissous pour faire place à un système pluripartite centré sur des dirigeants individuels. Les élections étaient souvent corrompues et ponctuées d'actes de violence.
Après 1872, un système bipartite prit forme avec l'émergence de deux dirigeants principaux, Théodore Délighiannis et Charilaos Tricoupis. La politique grecque des années 1870 à 1890 fut dominée par la rivalité entre ces deux hommes défendant des principes antagonistes en matière de politique étrangère. Tricoupis estimant que le gouvernement grec devait se concentrer sur le développement intérieur et le progrès social. Dès son arrivée au pouvoir, il lança une politique de modernisation économique soutenue par l'installation dans le pays de capitalistes grecs de la diaspora chassés par la montée des nationalismes. Il poursuivit la construction du réseau routier et ferroviaire et le développement du système bancaire. De son côté, Délighiannis était convaincu de la nécessité de poursuivre la Grande Idée et de continuer à appliquer une politique étrangère active.
La politique expansionniste Même si l'État grec ne disposait pas des fondements économiques lui permettant de mener une politique étrangère aventureuse, tout le règne de Georges Ier fut placé sous le thème de l'expansion territoriale. Les régions sous le joug ottoman que convoitait surtout le gouvernement grec étaient la Thessalie, l'Épire, la Macédoine et la Crète. Au XIXe siècle, la Crète fut le théâtre de révoltes successives: en 1841, 1858, 1866-1868, 1878 et 1896-1897. Après l'insurrection de 1866, certaines réformes furent mises en place au sein de l'administration crétoise. En 1878, le protocole d'Alep entérina la nomination d'une administration grecque et la convocation d'une assemblée. La Crète devient autonome en 1897.
La question crétoise avait son importance, mais le véritable problème dans les relations internationales grecques était la Macédoine. Les Grecs installés en Crète représentaient à l'évidence la nationalité prédominante mais en Macédoine, les revendications hellénistes étaient contrecarrées par les Serbes et les Bulgares. En 1870, sous la pression russe, le gouvernement ottoman institua l'exarchat, titre du chef de l'Église nationale bulgare, qui prévoyait que si les deux tiers d'un district macédonien votaient en faveur de l'exarchat, cette entité émancipée du patriarcat œcuménique de Constantinople serait placée sous la tutelle de la nouvelle église. Par le traité de San Stefano (1878) suivant la guerre russo-turque de 1877, la Russie imposa l'intégration d'une majeure partie de la Macédoine dans l'état bulgare. Mais au congrès de Berlin, en 1878, la Russie fut contrainte d'accepter le démembrement de la Bulgarie en trois parties et le retour de la Macédoine sous la tutelle ottomane. Cet espace devint alors une source de conflit majeure entre les trois États voisins. Chacun organisa des réseaux de résistance sous forme de sociétés culturelles et de bandes armées. Depuis cette période jusqu'à nos jours, le problème de la Macédoine demeure la principale cause de dissension entre ces trois pays de la péninsule balkanique.
Suite aux décisions du congrès de Berlin, la Grèce fit d'importantes acquisitions. En 1881, elle annexa la Thessalie et une partie de l'Épire alors qu'en 1878, l'île de Chypre, à prédominance grecque, fut cédée à l'Angleterre par l'Empire ottoman. (Cette possession britannique allait être à l'origine d'une crise majeure après la Seconde Guerre mondiale.) En 1896, un autre soulèvement se produisit en Crète. Le gouvernement grec envoya des troupes et des navires pour venir en aide aux insurgés. Les grandes puissances intervinrent une nouvelle fois pour empêcher le rattachement de la Crète à la Grèce, en imposant un blocus. En 1897, des échauffourées aux frontières de la Grèce continentale l'entraînèrent dans une guerre contre la Turquie. Ce conflit marqua la supériorité des troupes turques qui infligèrent une défaite aux troupes grecques. Les grandes puissances empêchèrent toutefois l'Empire ottoman de profiter de la situation. La Grèce ne perdit que quelques parcelles de territoire le long de ses frontières et l'on exigea le versement d'une indemnité. Les puissances occidentales imposèrent aussi l'autonomie administrative de la Crète. Le prince Georges, fils cadet de Georges Ier, fut nommé haut commissaire de la Crète autonome mais, suite à un différend avec de hauts fonctionnaires crétois, il fut contraint d'abdiquer en 1906.
En 1908, la révolution des Jeunes Turcs de l'Empire ottoman remit en question le statut de la Crète et de la Macédoine. Une fois encore, la Crète rechercha l'union avec la Grèce. Sous la pression des grandes puissances, le gouvernement grec fut obligé de renoncer à toute tentative d'union, au grand dam de l'opinion publique grecque. La Ligue militaire, formée par un groupe d'officiers radicaux, était déterminée à réformer le gouvernement. Après avoir fomenté avec succès un coup d'État en 1909, elle fit appel aux conseils de l'homme politique crétois Eleuthérios Vénizélos. Dès son arrivée à la tête du gouvernement, Vénizélos conduisit les membres de la ligue militaire à la dissolution, puis lança une réforme constitutionnelle. La Constitution révisée en juin 1911 permit d'améliorer l'efficacité du gouvernement. Vénizélos entama des négociations avec les pays balkaniques voisins, dont l'échec aboutit au déclenchement de la première guerre des Balkans. "L’Entente balkanique" entre la Grèce, la Serbie, le Monténégro et la Bulgarie se révéla assez forte pour gagner la première guerre balkanique (1912) contre l’Empire ottoman. En revanche, elle se montra incapable de parvenir à un accord quant à la partition des provinces libérées, dont les populations chrétiennes étaient mixtes. Le gouvernement bulgare, trop confiant de sa supériorité militaire, décida de lancer une attaque surprise contre ses anciens alliés, la Grèce et la Serbie. Ce fut une grave erreur de stratégie qui aboutit à la seconde guerre balkanique, gagnée par la Grèce et ses alliés. À l’issue des deux guerres balkaniques (1912-1913), la Grèce avait doublé de territoire et de population. Elle devait intégrer pour la première fois une population mixte de Slaves et de Valaques chrétiens, d’Albanais, de Turcs, de Romains et de Pomaques musulmans, ainsi que de Juifs séfarades, tandis qu’un grand nombre de Grecs demeuraient hors des frontières.
Les problèmes économiques Georges Ier fut assassiné à Salonique en mars 1913. Son fils, Constantin Ier, lui succéda. Le développement économique intérieur ne fut pas à la mesure des avancées en matière de politique extérieure réalisées sous le règne de Georges Ier. Le gouvernement fit plusieurs emprunts à l'étranger à partir de 1830. La détérioration des finances publiques était telle à la fin du XIXe siècle que l'entente imposa à l'état grec la présence d'une commission internationale de contrôle économique.
De 1912 à 1923
1912-1913 : guerres balkaniques. Les Turcs sont délestés de la Macédoine et du reste de l'Epire. La Crète, autonome depuis 1898, est rattachée à la Grèce. 1913 : Assassinat de Georges 1er et avènement de son fils Constantin 1er. 1915 : Désaccord entre Vénizelos et le roi qui abdiqua en 1917. 1922: guerre Gréco-turque. C'est la " catastrophe de l'Asie Mineure ". La Grèce perd Smyrne et la Thrace orientale. 1500000 Grecs de Turquie émigrent.
Les années de guerre (1912-1923) La Grèce connut entre 1912 et 1923 une période de conflit quasi permanent. Tout d'abord, en 1912, elle conclut une série d'accords avec la Bulgarie, la Serbie et le Monténégro, jetant ainsi les fondements de l'Entente balkanique. Cette alliance visait à évincer l'Empire ottoman de l'Europe et à s'attribuer le reste des possessions ottomanes, en particulier la Macédoine. Encouragée par la victoire italienne sur les Turcs en 1911, l'Entente balkanique était assurée de vaincre les forces ottomanes.
Les guerres balkaniques La première guerre des Balkans éclata en octobre 1912. L'Entente balkanique ne tarda pas à mettre son projet à exécution. Les troupes ottomanes furent contraintes de reculer au-delà de l'axe Enos-Media. De son ancien et vaste empire d'Europe, le gouvernement ottoman ne détenait plus désormais que Constantinople et une petite partie de l'arrière-pays. Après avoir assuré sa victoire militaire, l'alliance balkanique commença à se disputer le partage de la Macédoine. L'affaire était d'autant plus complexe que les grandes puissances étaient favorables à la création d'un état albanais regroupant certains des territoires revendiqués par la Grèce et la Serbie. La seconde guerre balkanique (1913) fit resurgir cette pomme de discorde opposant la Grèce, la Serbie et le Monténégro, rejoints par la Roumanie et l'Empire ottoman, contre la Bulgarie. La défaite de la Bulgarie entraîna son éviction du partage de la Macédoine; elle ne reçut qu'une petite partie de la Thrace avec le port de Dedeagatch (Alexandroupolis). La Grèce et la Serbie s'attribuèrent la majeure partie de la Macédoine, le port de Salonique revenant notamment à la Grèce. L'accord définitif prévoyait aussi la cession de la Crète et de plusieurs autres îles à la Grèce. La création d'un état albanais indépendant dont les frontières englobaient l'Épire du Nord revendiquée par la Grèce allait avoir des conséquences graves sur l'orientation future de la politique étrangère grecque.
La Première Guerre mondiale et ses conséquences Les guerres balkaniques venaient à peine de prendre fin qu'éclata la première guerre mondiale, cause de profondes dissensions au sein du gouvernement grec. Le roi et le Premier ministre étaient en désaccord sur la politique à adopter pour la Grèce. Constantin Ier, impressionné par la puissance militaire allemande, entendait préserver la neutralité grecque. En revanche, Vénizélos trouvait préférable de collaborer avec le Royaume-Uni, la France et la Russie demeurant les puissances protectrices de la Grèce. Il était également conscient de la prédominance de la flotte britannique en Méditerranée orientale.
En 1916, Vénizélos, avec l'appui de l'Angleterre et de la France, forma un gouvernement républicain à Salonique. Dans le même temps, les Alliés imposèrent un blocus autour de la Grèce et firent débarquer leurs troupes au Pirée en décembre 1916. Cette intervention flagrante obligea Constantin Ier à quitter le pays. Son fils cadet, Alexandre, lui succéda. Vénizélos prit la tête du gouvernement et, en juin 1917, la Grèce entra en guerre au côtés des Alliés contre les puissances centrales. Les troupes grecques ne s'engagèrent toutefois dans la bataille contre la Bulgarie qu'à la fin des hostilités. Après la fin du conflit, la Grèce participa à la conférence de la paix. Par le traité de Neuilly reconnaissant la défaite de la Bulgarie (novembre 1919), la Grèce récupéra la Thrace occidentale attribuée à la Bulgarie en 1913. Des accords relatifs à un échange de populations furent également conclus.
Les négociations avec les Turcs allaient se révéler plus délicates. La ratification du traité de Sèvres avec le gouvernement ottoman en 1920 attribuait à la Grèce de vastes territoires, notamment la Thrace orientale, quelques îles, et lui confiait en même temps l'administration de la région de Smyrne en Anatolie pour une période de cinq ans. Un plébiscite fut ensuite organisé pour déterminer les dispositions définitives applicables à cette zone. Mais cet accord fut rejeté par les forces nationalistes turques dirigées par Mustafa Kemal.
La fin de la «Grande Idée» Pendant ce temps, en Grèce, le mécontentement lié aux longues années de guerre et à certains aspects de l'administration de Vénizélos aboutit à la défaite du Premier ministre aux élections de novembre 1920. Un plébiscite organisé en décembre eut pour conséquence la restauration de Constantin Ier. Le roi et ses ministres se lancèrent alors dans une opération périlleuse. Les forces grecques basées à Smyrne pénétrèrent jusqu'en Anatolie pour affronter les Turcs. Arrivées à 32 kilomètres d'Ankara, elles furent définitivement vaincues par Mustafa Kemal en août et septembre 1921 et la contre-attaque turque amena la Grèce à la catastrophe. En septembre 1922, l'armée turque occupa et incendia le quartier grec de Smyrne. La tragédie d'Asie Mineure aboutit à l'insurrection de la défense hellénique, sous les ordres des colonels Nikolas Plastiras et Stylianos Gonatas. Constantin Ier abdiqua en faveur de son fils Georges II qui monta sur le trône en septembre 1922.
La Grèce et la Turquie ratifièrent le traité de Lausanne en juillet 1923. Cet accord confirmait le tracé des frontières entre les deux pays et prévoyait surtout l'échange obligatoire des populations. Suite à la signature des traités concernant les minorités nationales, la nation grecque, forte d'une population de 4,5 millions d'habitants, fut contrainte d'accueillir sur son sol près de 1,3 million de Grecs de l'étranger, dont la plupart étaient des réfugiés sans ressources. Bon nombre d'entre eux s'installèrent dans les nouvelles régions rattachées de Thrace et de Macédoine, où s'établit une homogénéité ethnique totale. Mais l'État grec héritait du lourd fardeau d'une brusque surpopulation qu'il fallait intégrer, avec ses conséquences économiques. L'année 1923 marqua la fin de la «Grande Idée». La Grèce avait effectivement étendu sa superficie de manière considérable entre 1913 et 1923 mais les échanges de population avaient détruit la prospérité des colonies grecques d'Anatolie, de Bulgarie, mais aussi d'Union Soviétique. La Grèce indépendante avait atteint ses limites territoriales. Seuls quelques ajustements mineurs allaient être apportés dans les années suivantes.
De 1923 à 1939
1924 : Proclamation de la république. En fait, ce sera une succession de coups d'Etat militaires (à l'exception du gouvernement Vénizélos : 1928-1932). 1936 : Coup d'Etat de Metaxas, qui instaure une dictature. Mort de Vénizelos à Paris.
La période de l'entre-deux-guerres (1923-1939) La question politique fondamentale après 1923 portait sur le maintien ou l'abolition de la monarchie. Ce problème trouva finalement une issue dans l'évolution de l'opinion au sein de l'armée et le conflit entre les officiers royalistes et républicains. Georges II ne resta au pouvoir que jusqu'en décembre 1923. Vénizélos, favorable à la monarchie constitutionnelle, quitta le pays le mois suivant. Le plébiscite d'avril 1924 aboutit à la victoire des forces républicaines et à la proclamation de la République le 1er mai. Le général Théodore Pangalos s'empara du pouvoir en juin 1925, puis s'octroya la présidence de la République en janvier 1926, jusqu'au renversement de sa dictature en août, après un nouveau coup d'État.
La seconde République hellénique (1924-1935) L’armée qui évacua l’Asie mineure retourna en Grèce pleine de rancoeur contre le gouvernement royal qu’elle estimait responsable de haute trahison. Les officiers vénizélistes prirent aisément le pouvoir et obligèrent, une fois de plus, le roi Constantin à quitter le pays. Peu après, une cour militaire vénizéliste condamna à mort six ministres et généraux pour leur rôle dans la campagne anatolienne, ce qui heurta profondément les sensibilités partisanes. Les factions radicales du camp vénizéliste étaient influentes et en mars 1924, l’Assemblée nationale proclama la République de Grèce. Quelques semaines plus tard, cette décision fut ratifiée par référendum. La jeune République, consacrée dans la constitution de 1927, était extrêmement fragile, non seulement parce qu’elle devait affronter l’opposition d’une minorité royaliste forte, mais aussi à cause des divisions internes des vénizélistes qui, en l’absence de leur dirigeant, étaient divisés de l’intérieur. Le pays appauvri était accablé par le nombre de ses réfugiés sans ressources, soit plus de 1.250.000 personnes venues d’Asie mineure et des Balkans, tandis qu'environ 420.000 musulmans et Slaves quittèrent le pays, de gré ou de force. Malgrés cette nouvelle homogénéité de la Grèce, les relations intercommunautaires étaient tendues à cause des réfugiés se disputant la terre avec les paysans indigènes et, dans le secteur industriel, constituant une main-d’œuvre lamentablement sous-payée. Il fallut attendre toute une génération pour que les réfugiés soient totalement assimilés à la société grecque. Malgrés l'aide extérieur, la situation économique et sociale des années 1920 était critique. La dépression générale et l’insécurité étaient exacerbées par la fin brutale de l’émigration clandestine qui s’était révélée être une soupape de sécurité indispensable au secteur agraire surpeuplé. L’agitation sociale, combinée aux querelles diplomatiques, déclenchèrent de nouveaux différends politiques. Le général Pangalos fut à l’origine d’un coup d’État (1925-1926), et seul le retour de Vénizélos, après une écrasante victoire aux élections de 1928, sut temporairement stabiliser le climat politique. Au cours de son dernier mandat au pouvoir, Vénizélos prit des mesures durables pour garantir des relations constructives avec la Turquie kémaliste. Cela apaisa les tensions dans les Balkans et relança la fragile économie grecque. Malheureusement, la crise économique mondiale qui se fit ressentir en Grèce, en 1931, balaya tous ces efforts. Chacune des économies européennes tentait de se protéger et la Grèce en fit de même. Par conséquent, une remarquable évolution industrielle eut lieu, mais comme la structure économique du pays était fortement dépendante des affaires internationales, le niveau de vie ne s’améliora pas. Le mouvement syndicaliste croissant et la peur d’une influence communiste grandissante parmi les ouvriers, poussa Vénizélos et ses successeurs à prendre des mesures extrêmement restrictives concernant les libertés civiques. Le gouvernement Vénizélos perdit l’élection de 1932 et, pour la première fois depuis 1922, un gouvernement royaliste, dirigé par P. Tsaldaris, arriva au pouvoir. Les années qui suivirent furent marquées par l’austérité économique, l’instabilité politique et l’agitation sociale. Vénizélos s’était exilé de lui-même à Paris, privant de l’arène politique son imposante présence. Pendant l’entre-deux guerre, les vénizélistes et les anti-vénizélistes en étaient réduits à d’interminables querelles politiques intestines. Chaque groupe fomentait son propre coup d’État militaire. En mars 1935, l’ultime coup d’État vénizéliste fut un désastre. Le général Kondylis, ancien officier vénizéliste devenu royaliste, n’eut donc aucun mal à le faire échouer.
Les problèmes intérieurs Le retour de Vénizélos à la tête du gouvernement ramena la stabilité politique en Grèce dès juillet 1928. Ses quatre ans et demi de pouvoir (1928-1933) furent jalonnés de succès en politique étrangère (politique de réconciliation avec la Turquie kémaliste), malgré la difficulté des problèmes intérieurs auxquels il était confronté. Toute la période de l'entre-deux-guerres fut marquée par la faiblesse de l'économie grecque. Le pays devait importer la moitié des produits nécessaires à son alimentation de base alors que les réfugiés grevaient lourdement le budget de l'État. Les principales exportations grecques (huile d'olive, vin et tabac) étaient des produits de luxe dont la vente avait souffert pendant la crise économique mondiale. En 1933, Vénizélos revint au pouvoir pour la dernière fois. Vaincu aux élections, il céda la place à Panayiotes Tsaldaris qui, pendant deux ans et demi, tenta de maîtriser les obstacles de la situation intérieure. L'année 1935 marqua le triomphe des forces royalistes et le retour en Grèce de Georges II, après un plébiscite truqué. De retour au pouvoir, le roi eut beaucoup de mal à sortir de l'impasse dans laquelle la vie politique grecque s'était enfermée à cause du clivage divisant la société en deux camps adverses. Les élections organisées en 1936 envoyèrent à l'Assemblée 143 députés royalistes, plus 142 libéraux, républicains et agrariens. Les communistes, avec 15 sièges, purent alors jouer le rôle d'arbitre. Cette situation favorisa l'ascension du nouvel homme fort, le général Ioannis Métaxas. Nommé Premier ministre en avril 1936, il se proclama dictateur en août de la même année. Le gouvernement de Métaxas, dit «régime du 4 août», s'aligna sur les autres dictatures européennes de l'époque. Métaxas imposa la dissolution des partis, introduisit un système de censure rigoureux et assura le contrôle étroit de la vie politique. Il instaura des réformes sociales et lança un programme de travaux publics.
Les affaires extérieures La politique extérieure durant la période suivant immédiatement la première guerre mondiale fut assortie de problèmes mineurs concernant, pour la plupart, les traités de paix conclus avec l'Italie, la Bulgarie, la Yougoslavie et la Turquie. Le gouvernement de Vénizélos s'efforça avant tout de normaliser les relations de la Grèce avec les pays voisins. L'aboutissement de cette politique fut marqué par le traité balkanique (l'Entente balkanique) de février 1934 entre la Roumanie, la Turquie, la Yougoslavie et la Grèce. Au cours des années suivantes, la Grèce se rapprocha de l'Allemagne afin de trouver des débouchés à l'exportation, en particulier pour le tabac, mais elle resta en relation avec l'Angleterre et la France. En avril 1939, après l'occupation italienne en Albanie, la Grèce accepta la garantie de son territoire national par les Britanniques.
La fin de la République et la dictature royale de Métaxas Une rapide évolution politique suivit le coup d’État avorté des partisans de Vénizélos. Les royalistes au pouvoir chassèrent de l’armée les officiers vénizélistes et démocrates. Le retour au pouvoir du roi Georges II (1890-1947) apparut comme le dernier recours à la stabilité politique et sociale. À cette époque, une grande partie de la bourgeoisie urbaine ayant autrefois ardemment défendu Vénizélos, soutenait désormais inconditionnellement l’ordre royaliste conservateur. Enfin, en août 1936, le Premier ministre Ioannis Métaxas (1871-1941), révoqua la constitution avec le soutien actif du roi et imposa une dictature (1936-1941). Ce régime lança des réformes économiques populaires destinées à alléger la pression exercée sur les couches les plus défavorisées de la société et tenta de réguler les relations dans le monde du travail. Cependant, l’oppression politique générale prit une tournure plus dure, principalement à l’encontre des groupes politiques, sociaux et ethniques. Des formes ineptes de censure pénétrèrent la vie politique et intellectuelle grecque. Métaxas trouvait son inspiration dans la dictature fasciste italienne mais néanmoins, ne disposant ni du soutien des couches sociales adéquates ni d’une idéologie socio-politique suffisante pour fonder un régime fasciste pleinement opérationnel, il opta pour un régime autoritaire et imprudemment personnel. Ainsi les communistes et les socialistes furent persécutés et exilés à l’intérieur des frontières, quant aux libéraux qui se risquaient à remettre en question le "dirigeant suprême" ou ses actions, étaient torturés, mais de façon moins inhumaine que les précédents.
De 1939 à 1949
28 octobre 1940 : agression italienne. Les Italiens sont assez vite renvoyés d'où ils viennent (guerre d'Albanie), motif de fierté nationale : l'armée grecque, très inférieure en nombre, prenant le dessus sur les soldats de Mussolini. Avril 1941 : l'offensive allemande contraint les Grecs à capituler. De nombreux juifs, notamment ceux de Thessalonique, sont déportés dans les camps d'extermination en 1943. Occupation du pays jusqu'en octobre 1944. 1946-1949 : guerre civile entre les forces de gauche (issues de la résistance communiste) et les forces gouvernementales soutenues par les Britanniques (à Yalta, la Grèce a été "donnée" à Churchill). Les rebelles sont écrasés et les survivants doivent s'enfuir dans les pays de l'Est.
La Seconde Guerre mondiale et la révolution (1939-1949) Au début de la Seconde Guerre mondiale, en septembre 1939, la Grèce (la dictature de Métaxas suivie de très près par le roi Georges et ses protecteurs britanniques) tenta tout d'abord de conserver sa neutralité, mais l'attaque des armées de Mussolini, en octobre 1940, la plongea dans le conflit. La politique agressive de provocation de Mussolini atteint son paroxysme en août 1940, lors de festivités religieuses, lorsqu’un sous-marin italien coula un contre-torpilleur grec au mouillage dans le port de Tinos. Le 28 octobre 1940, Mussolini présenta un ultimatum humiliant à Métaxas, que ce dernier ne put que rejeter. Le dictateur italien commit une grave erreur de stratégie et, au bout de six mois de violents combats, l’armée grecque occupait la majeure partie du sud de l’Albanie, pays sous autorité italienne depuis le début de l’année 1939. Hitler, conscient de la nécessité d'assurer sa défense méridionale avant d'attaquer en Union soviétique, décida le 6 avril 1941 de venir en aide à son allié trop affaibli et décida d’envahir la Yougoslavie et la Grèce. L’armée grecque ne put faire le poids face aux Allemands, supérieurs en nombre et en armements. Le général Tsolakoglou, désobéissant aux ordres du roi, capitula le 24 avril 1941. En Crète, les forces grecques et britanniques, fortes de la participation active de la population, livrèrent une ultime bataille désespérée (Bataille de Crète) en mai 1941. Les Nazis remportèrent une victoire à la Pyrrhus, perdant le dynamisme de leur force aéroportée. L’attaque qui se préparait contre l’Union soviétique fut repoussée de quelques mois fatidiques. Le roi, le gouvernement grec et ce qui restait des armées de terre, de mer et de l’air suivirent l’armée britannique en retraite en Égypte et continuèrent à se battre jusqu'à la victoire finale des Alliés. Les soldats étaient recrutés dans la diaspora grecque et parmi les jeunes hommes ayant rompu avec la Grèce. Pour la première fois depuis la période ottomane, le pays était occupé : la Thrace et la Macédoine orientale étaient sous occupation bulgare et le reste de la Grèce sous autorité italienne. Les Allemands, eux, occupaient Athènes, Thessalonique, la Macédoine, la quasi totalité de la Crète et la frontière turque. Les Bulgares et les Italiens, dans leur tentative de démembrer la Grèce, appuyèrent les mouvements séparatistes des petits groupes ethniques vivant près de la frontière. Ainsi, les Italiens utilisèrent les petites minorités d’Albanais musulmans Tchams de la frontière avec l’Épire et essayèrent, en vain, de former une légion valaque dans la chaîne de montagnes Pindus. La menace bulgare était bien plus sérieuse car elle avait recours à une brutalité physique excessive et à des mouvements forcés de population. De nombreux Grecs furent chassés de Macédoine orientale sous occupation bulgare afin d'être remplacés par des immigrants bulgares. Les citoyens grecs de langue slave devaient, de gré ou de force, se déclarer Bulgares. Dans les provinces du nord de la Grèce, occupées par l’Allemagne et l’Italie, les sollicitations brutales, quand elles ne suffisaient plus, faisaient place à la force. La Grèce demeura jusqu'en octobre 1944 sous la triple occupation allemande, italienne et bulgare. La première année d’occupation fut extrêmement difficile avec l’administration nazie confisquant toutes les ressources et provoquant sciemment la disette. Au cour de l’hiver 1942, les populations urbaines connurent une terrible famine et l’on estima à 250.000 le nombre de personnes mortes de faim dans les rues d’Athènes. Une année entière s’écoula avant qu’un accord ne soit trouvé sous l’égide de la Croix Rouge, grâce auquel l’importation des produits alimentaires de base put reprendre. Malgré l’épouvantable situation économique du pays, le gouvernement collaborateur eut l’obligation de prêter des sommes astronomiques à l’Allemagne, sans qu’elles ne lui soient jamais remboursées. La résistance grecque s’était organisée dès les premiers mois de l’occupation. Fondé le 27 septembre 1941, l’EAM (Front national de libération), de gauche, représentait le parti le plus important. Les mouvements de résistance commencèrent à gagner du terrain en 1942 avec la formation de groupes armés tels que l’Elas, l’Edes ou l’Ekka. En mars 1943, les manifestations et les rassemblements furent suffisamment puissants pour empêcher la concrétisation du projet allemand d’enrôler de force tous les travailleurs grecs et de les envoyer travailler dans les usines allemandes. En dépit de la brutalité des représailles allemandes pour tout acte de résistance, les actions de sabotage et les attaques armées se multipliaient. La population masculine de la petite ville de Kalavryta et de nombreux villages comme Koméno, Kleisoura et Distomon fut décimée de façon barbare par ce type d’opérations aveugles. Mais cela n’empêcha pas les groupes armés de contrôler, à partir de 1944, une grande partie des montagnes du pays. La Grèce subit de très lourdes pertes humaines et matérielles : sur le plan humain, on estime à 687.000 le nombre total de morts tandis que les infrastructures furent détruite par les combats, les bombardements, le sabotage et le pillage, mais le pire était à venir.
L'occupation allemande Durant le reste de la guerre, la Grèce disposa, en fait, de trois centres de commandement. L'occupation allemande constitua un gouvernement fantoche à Athènes. Le roi, quelques personnalités du monde politique et les chefs des armées grecques s'exilèrent. La résistance s'organisa à partir de 1942 avec, dans les montagnes et les régions isolées de la Grèce continentale, la formation de foyers de résistance avec leurs propres organisations politiques. Malgré le succès de certaines de leurs actions, de graves antagonismes politiques éclatèrent au sein de ces mouvements de résistance, où le clivage gauche/droite remplaça progressivement la division entre «vénizélistes» et royalistes. Les deux formations principales étaient le Front national de libération (EAM), dirigé par les communistes, et la Ligue nationale démocratique grecque (EDES), sous les ordres du colonel Napoléon Zervas. L'EDES se situait à droite de l'EAM dans son idéologie politique, mais la plupart de ses membres étaient des républicains opposés à la monarchie. Durant la guerre, les deux mouvements entreprirent plusieurs actions conjointes contre l'occupant, mais il leur arrivait aussi de se quereller. Tous deux étaient, néanmoins, hostiles au retour du roi après la guerre et, par conséquent, opposés au gouvernement en exil. En avril 1944, une mutinerie au sein des troupes grecques basées en Égypte témoigna aussi de la même désaffection.
En mai 1944, une conférence réunissant les membres du gouvernement en exil, les représentants des partis politiques et des mouvements de résistance, fut convoquée au Liban. Elle obtint la formation d'un gouvernement d'unité nationale sous la présidence de Georges Papandhréou. Il avait été convenu d'organiser un plébiscite en Grèce avant le retour du roi et de procéder à l'unification des forces armées de la résistance et du gouvernement en exil.
Après la libération On savait que les groupes de résistance étaient armés et déjà impliqués dans leur conflit de politique interne. En 1944, les gouvernements royal britannique et grec envisagèrent une confrontation armée avec le front national de libération (EAM) dont l’influence s’étendait à toutes les zones rurales et à la majorité des villes principales, bénéficiant alors du soutien de la plupart des Grecs. En octobre 1944, Athènes fut libérée. C’est avec enthousiasme que la nation réjouie accueillit les armées grecque et britannique mais malheureusement, un antagonisme surgit rapidement entre les résistants de l’EAM couvrant la majorité des villes et des campagnes et le gouvernement royal soutenu par les britanniques. Ainsi, le 3 décembre 1944, à la suite de l’échec des tentatives pour trouver un compromis, un conflit armé éclata à Athènes. En février 1945, après un mois de lutte forcenée dans les rues, l’EAM et le gouvernement grec se réunirent à Varkisa pour parvenir à un accord entériné par le gouvernement britannique. Les termes de l’accord prévoyaient, notamment, le désarmement des groupes de résistance, la "démocratisation" des forces armées, de la police et de l’administration grecques et enfin, l’organisation transparente d’un référendum impartial par le monarque. Aucun des articles de l’accord ne se concrétisa totalement, mis à part le désarmement partiel et la démobilisation de la plupart des groupes de résistance de gauche. Les anciens libéraux vénizélistes, eux, étaient utilisés à leurs dépens par le roi. En dehors des villes, les royalistes exacerbaient les passions politiques avec leur terrorisme blanc. L’aile gauche de l’opposition fut peu à peu amenée à la guerre civile. Le parti communiste, dirigé par son ancien leader, Zachariadis (de retour de Dachau), assuma son rôle de principale force d’opposition, mais se révéla incapable de maintenir une politique stable. L’erreur fondamentale de Zachariadis fut d’appeler à l’abstention pour les élections de mars 1946.
La guerre civile Malgré l'accord passé en faveur de l'union, la question du sort des unités de résistance fut à l'origine d'une crise majeure. En octobre 1944, Papandhréou revint à Athènes, accompagné d'un détachement de troupes britanniques. Le gouvernement grec tenta alors d'exiger le désarmement et le démantèlement des forces de l'EAM. En décembre 1944, la guerre civile éclata à Athènes et s'étendit à d'autres régions du pays. La révolte ne fut jugulée qu'après l'intervention des troupes britanniques arrivées en renfort. Le traité de Varkiza, ratifié en février 1945, proclama la reddition de l'EAM, l'organisation d'élections et d'un référendum sur la restauration de la monarchie. Les élections se déroulèrent en mars 1946, mais dans des conditions qui entraînèrent l'abstention de l'EAM et de certaines forces libérales, ce qui valut aux royalistes de remporter une nette victoire. Lors du plébiscite organisé en septembre, sous l'autorité du Premier ministre Constantin Tsaldaris, plus de 65 % des électeurs se déclarèrent favorables au retour du roi. Georges II regagna Athènes dans le mois. Il mourut en avril 1947 et son frère Paul lui succéda. Le Dodécanèse (y compris Rhodes), jusque-là occupé par l'Italie, fut rattaché à la Grèce en 1947. Le retour de ces îles en son sein fut l'unique bénéfice que le pays tira de son engagement dans la seconde guerre mondiale. Après sa défaite politique, la gauche se prépara à la guerre civile. Elle reçut l'appui des gouvernements communistes d'Albanie, de Bulgarie et de Yougoslavie. Un gouvernement provisoire fut constitué dans les montagnes en décembre 1947, sous l'autorité du chef communiste Markos Vafiades. Le gouvernement britannique, qui n'avait cessé d'exercer une influence majeure dans les affaires grecques, avait manifesté sa volonté de voir les forces militaires appuyer son action. Mais face à cette nouvelle crise, la Grande-Bretagne affaiblie estima ne plus pouvoir tenir ses engagements. Elle céda sa place aux États-Unis. La «doctrine Truman», proclamée en mars 1947, entendait protéger la Grèce et la Turquie contre la menace du communisme. La Grèce bénéficia d'une aide militaire et économique massive (3,5 milliards de dollars furent octroyés en 1963 au titre du programme). Malgré cette aide, le gouvernement grec ne put mettre un terme à la guerre civile avant 1949. En juillet 1948, la rupture entre Tito et Staline aboutit à la fermeture de la frontière yougoslave aux rebelles grecs. Privés de leur principale source d'aide extérieure, ces derniers n'avaient plus les moyens de poursuivre la lutte.
De 1949 à nos jours
21 avril 1967 : coup d'Etat militaire et dictature sous l'autorité de Papadopoulos (puis de Pattakos). C'est le gouvernement dit des Colonels, soutenus par la CIA, reconnu par la plupart des Etats, avec une pratique constante de la torture, des déportations, etc. 1969 : le Conseil de l'Europe condamne le régime. 1972-1973 : nombreuses manifestations durement réprimées, dont, en novembre 1973, l'occupation de l'Ecole polytechnique par les étudiants. 1974 : chute des colonels à la suite de la crise de Chypre. Karamanlis est rappelé d'exil. La république sera restaurée. 1981 : admission dans la Communauté économique européenne (CEE), victoire du parti socialiste et de son leader, Andréas Papandréou. 1987 : l'inflation est de 16,5 %. 1988 : le plan d'austérité mis en place par le gouvernement Papandréou, dont l'objectif est de ramener, avant la fin 1988, l'inflation à moins de 10 %, provoque une vague de grèves dans tous les secteurs de l'économie. Visite historique du Premier ministre turc à Athènes. Juin 1996 : mort à 77 ans d'Andréas Papandréou, leader charismatique du socialisme grec. Août-septembre 1999 : réchauffement des relations gréco-turques à la suite de l'aide apportée par la Grèce après le tremblement de terre à Izmit. Décembre 1999: au sommet d'Helsinski, feu vert donné à la candidature de la Turquie à l'entrée dans l'Union européenne, suite à la levée du veto par les Grecs. Août 2004 : Jeux olympiques d'Athènes.
La Grèce après 1949 Entre 1949 et 1952, la politique intérieure grecque demeura instable. Après la guerre civile, le parti communiste fut exclu du gouvernement mais le parti EDA (gauche démocratique unifiée) qui s’y substitua, se retrouva fortement marginalisé du pouvoir politique. Quant aux différents partis centristes-libéraux des années post-vénizélistes, ayant soutenu les royalistes pendant la guerre civile, étaient toujours suspectés d’inclination républicaine. Les États-Unis avaient endossé le rôle de meneur dans la croisade anticommuniste et voyaient en la personne du roi un bon allié. Ce dernier avait désormais le contrôle de l’armée et des hautes instances de l’administration publique, dominant ainsi le système politique. De plus, la justice, l’éducation et l’armée étaient dirigées et composées par les mêmes individus royalistes qui avaient servi sous Métaxas, voire sous les gouvernements collaborateurs. Ils étaient, en majorité, anticommunistes et conservateurs, de tendance antiparlementaire et autoritaire. Après une courte période libérale (1950-1951), un gouvernement très conservateur arriva au pouvoir, avec à sa tête, Alexandre Papagos qui fonda son pouvoir sur une coalition politique, «l'Alarme grecque». Puis, d’autres gouvernements de droite se succédèrent, jusqu’en 1963. C’est à eux que l’on doit la mise en place d’un système parlementaire "boiteux", allant profondément à l’encontre d’une grande partie de le population grecque.
La démocratie conservatrice Une nouvelle loi électorale fut promulguée en octobre 1952 permetant à «l'Alarme» d'obtenir la majorité parlementaire aux élections de novembre et Papagos fut nommé Premier ministre. La Grèce adhéra à l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) au début de 1952 et en 1953, elle autorisa la création de bases navales et aériennes américaines sur son territoire. Papagos resta au pouvoir jusqu'à sa mort en octobre 1955. Une relative stabilité politique subsista sous le gouvernement de Constantin Caramanlis et de son parti, l'Union nationale radicale (ERE), sous l'autorité duquel fut réalisée l'association de la Grèce à la Communauté économique européenne (1962). Caramanlis remporta trois élections et gouverna jusqu'en 1963. La question de politique étrangère qui échauffa les esprits en Grèce après 1949 concernait le problème de Chypre. Peuplée d'environ un cinquième de Turcs pour quatre cinquièmes de Grecs, cette île se dresse à 65 kilomètres au large de la Turquie mais à 1 300 kilomètres de la Grèce. Conquise par la Turquie, elle fut cédée à l'Angleterre comme territoire à bail en 1878. Son gouvernement colonial était impopulaire. L'aspiration des Chypriotes grecs à l'Enosis (l'union avec la Grèce) et le soutien de leur revendication étaient entre les mains de deux hommes politiques chevronnés, l'archevêque Makarios III et le général Georges Grivas. La Turquie était opposée au désir d'annexion de la Grèce et souhaitait le retour de Chypre en son sein. En 1959, l'Angleterre, la Turquie et la Grèce acceptèrent finalement l'accession de Chypre à l'indépendance, mais à condition de protéger la minorité turque. En 1960, Chypre fut constituée en république présidentielle, avec comme premier président l'archevêque Makarios. Mais les accords établissant l'indépendance ne furent pas capables d'assurer le règlement de la question chypriote.
En 1963, Caramanlis et l'ERE durent céder aux pressions de l'Union du centre, dirigée par Georges Papandhréou qui sera porté au pouvoir, et Sophocle Vénizélos, fils de l'ancien Premier ministre Eleuthérios Vénizélos. À l'issue de deux élections organisées en novembre 1963 et février 1964, l'Union du centre obtint la majorité absolue au Parlement. Dans le même temps, de violents incidents éclatèrent entre Chypriotes turcs et grecs, créant une tension dans les relations gréco-turques. Les Nations unies envoyèrent une force de maintien de la paix à Chypre.
Après la restauration de la monarchie en 1946, les querelles continuèrent à alimenter les rapports entre la couronne et le gouvernement. Le roi Paul mourut en 1964 et son fils de 23 ans, Constantin II, lui succéda. Le Premier ministre Papandhréou, en profond désaccord avec le roi au sujet de l'intervention de la couronne dans la vie politique grecque, fut contraint de démissionner en 1965. La Grèce entra ensuite dans une période de crise politique due à la faiblesse du gouvernement.
La dictature des colonels En avril 1967, un groupe d'officiers supérieurs, sous les ordres du colonel Gheórghios Papadhópoulos, fomenta un rapide coup d'État, sans effusion de sang, qui eut pour conséquence l'annulation des élections, la censure de la presse et l'établissement de la dictature militaire. Le roi sembla accepter le nouveau régime mais, en décembre 1967, il tenta de renverser la dictature. L'opération échoua et le souverain partit en exil. Papadhópoulos occupa le poste de Premier ministre et nomma un vice-roi. Le gouvernement de Papadhópoulos procura une certaine stabilité économique, mais au début de 1973, les manifestations des étudiants et la rébellion de la marine posèrent un problème de légitimation du régime. Le 1er juin 1973, le Premier ministre annonça l'abolition de la monarchie, proclama la République et se nomma président en août. Papadhópoulos promit la restauration des libertés civiles et le passage à un régime parlementaire après la tenue d'élections libres en 1974. Le 25 novembre 1973, le général Ioannidis renversa le gouvernement de Papadhópoulos dont les concessions étaient jugées trop libérales.
Un autre incident bouleversa l'île de Chypre en 1967, mais la crise la plus grave éclata en juillet 1974. La Garde nationale chypriote grecque, menée par des officiers grecs soutenus par la junte militaire à Athènes, renversa le président Makarios. La Turquie avança ce prétexte pour occuper Chypre tandis qu'en Grèce, la junte céda la place aux civils.
La démocratie restaurée Caramanlis, en exil à Paris, fut rappelé à Athènes et nommé Premier ministre le 24 juillet 1974. Le mois suivant, en plein conflit avec la Turquie à propos de Chypre, la Grèce annonça le retrait de ses forces de l'OTAN. L'instauration de la république fut confirmée le 9 décembre, à l'issue d'un référendum où 69 % des votants s'étaient prononcés contre la monarchie. Une nouvelle Constitution fut adoptée en juin 1975. Caramanlis renouvela son mandat de Premier ministre en novembre 1977 et fut élu président en mai 1980. Georges Rallis, ministre des Affaires étrangères, lui succéda au poste de Premier ministre. En janvier 1981, la Grèce fut officiellement admise au sein de la Communauté économique européenne. Les trente-cinq années de régime conservateur s'achevèrent le 18 octobre 1981 avec l'arrivée au pouvoir du fils de Georges Papandhréou, Andreas Papandhréou, chef du Mouvement socialiste panhellénique succédant à Rallis. Papandhréou mena une politique de réformes internes modérées et, malgré son discours anti-américain, la Grèce demeura au sein de l'OTAN et conserva les bases américaines sur son territoire.
Les scandales coûtèrent aux socialistes l'élection de juin 1989, mais aucun parti ne put remporter la majorité au Parlement, même après les élections de novembre. La situation politique finit par se stabiliser à l'issue des élections législatives d'avril 1990 qui donnèrent la majorité absolue au parti conservateur de la Nouvelle démocratie. Constantin Mitsotakis accéda alors au poste de Premier ministre. Vers la fin de 1990, le Parlement vota une nouvelle loi électorale qui eut pour conséquence l'organisation de trois élections générales en l'espace de dix mois. De 1991 à 1995, la vie politique grecque reste dominée par l'exacerbation de l'hellénisme (problèmes de minorités avec l'Albanie, tensions avec l'ex-république yougoslave de Macédoine, regain d'influence turque dans l'aire balkanique). Fondant sa campagne électorale sur ces thèmes, le PASOK remporte les élections législatives de 1993, et A. Papandhréou revient au pouvoir. Cependant, malade, il démissionne en janvier 1996. Costis Stefanopoulos, élu président de la République en 1995, fait appel à un nouveau Premier ministre, Costas Simitis (1996). Alors que le taux de chômage frise les 10 %, que l'inflation, malgré de nets progrès, est toujours à deux chiffres (11 % en 1994) et que la dette atteint 114 % du PIB en 1994, la Grèce se trouve à un tournant de son histoire. Comme souvent par le passé, son environnement géopolitique est instable. De vieux problèmes mis en sommeil pendant la guerre froide, comme les rapports avec l'Albanie et surtout la question macédonienne, resurgissent avec la guerre civile dans l'ex-Yougoslavie. Tandis que la demande turque d'adhésion à la Communauté européenne devient plus pressante, Athènes souhaite conserver son monopole de «vitrine» balkanique et orientale de l'Europe communautaire.
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