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Nekromanteion

 

Evaluation : ***

Remarque : Beau site à visiter.

 

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Tremblez, pauvres mortels, vous voici aux portes du royaume d'Hadès. Là s'ouvre une crevasse, au confluent de deux rivières de l'Enfer: l'Achéron -celui qui roule les douleurs- et le Cocyte alimenté par les larmes des morts sans sépulture errant sur ses rives. C'est l'une des portes d'entrée du royaume des morts qui, à l'époque hellénistique, abrita l'un des plus célèbres oracles de Grèce où les vivants pouvaient interroger les âmes des défunts. Après une longue et éprouvante préparation spirituelle pendant laquelle ils demeuraient plusieurs jours dans l'obscurité la plus totale, ils traversaient, toujours dans le noir de longs corridors puis un labyrinthe figurant les trois portes des Enfers, accompagnés tout du long par un prêtre qui psalmodiait selon d'étranges rituels. Après toutes ces épreuves, les pèlerins pénétraient dans la pièce centrale du sanctuaire où se manifestaient les esprits. Les découvertes archéologiques laissent à penser que se trouvait là une machinerie permettant de hisser des formes évoquant les âmes des morts, à l'image des machineries de théâtre qui suscitaient le deus ex machina. C’est un endroit bien étrange sur lequel les chrétiens ont pris soin d'édifier une chapelle en l'honneur de saint Jean-Baptiste, l'annonciateur de celui qui allait vaincre la mort comme pour empêcher définitivement les âmes païennes de venir tourmenter les vivants.

L'édifice dont on peut voir aujourd'hui les ruines remonte au début de l'époque hellénistique, sans doute à la fin du IVe s. av. notre ère. La grande époque de l'oracle fut le IIIe et le IIe s. av. J.-C., après quoi le sanctuaire fut brûlé et entièrement détruit par les Romains en 167 av. notre ère.

La visiter (payante) de Nékromanteion prend 30 mn. On pénètre dans le site par le Nord, comme le faisaient les pèlerins de l'Antiquité. L'ensemble du sanctuaire était enclos par un mur dont les soubassements mis au jour permettent de constater qu'il était en bel appareil polygonal. On entrait ensuite dans une première cour, autour de laquelle s'ouvraient les logis des prêtres, des hôtelleries ainsi que diverses réserves où étaient entreposées les offrandes.

 

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Les pèlerins admis à consulter les défunts étaient ensuite conduits dans un premier couloir bordé de trois pièces du côté gauche, première étape de leur longue approche du lieu sacré. L'ensemble était recouvert et plongé ainsi dans une totale obscurité. Les pèlerins demeuraient tout d'abord dans l'une des deux premières pièces où en suivant un jeûne très strict, ils se purifiaient par des offrandes et des prières de manière à pouvoir approcher le royaume des morts. Après plusieurs jours d'obscurité, de solitude et de silence, ils étaient jugés dignes de poursuivre plus avant. Après un bain rituel pris dans la troisième pièce, ils empruntaient un second couloir qui longe le mur est du sanctuaire. Avant d'en franchir le seuil, ils devaient jeter une pierre contre le montant droit de la porte pour conjurer les mauvais sorts (notez le tas de cailloux toujours visible), comme l'habitude s'en est conservée encore aujourd'hui sur les chemins de Grèce, lorsque l'on passe à un endroit où un meurtre a été commis. Dans ce second couloir, ils procédaient au sacrifice d'un mouton (on a retrouvé à cet endroit une cuve sacrificielle qui contenait encore des ossements calcinés), puis continuaient jusqu'au bout du couloir où ils tournaient de nouveau à droite. Ils entraient alors dans le « labyrinthe », un passage à trois chicanes censées représenter les trois portes des Enfers.

Après un nouveau coude et une nouvelle porte, les pèlerins pénétraient enfin dans le sanctuaire occupant le centre du périmètre sacré. La salle où apparaissaient les âmes était encadrée de deux autres salles de même longueur destinées à recevoir les offrandes. Sous la pièce centrale se trouve une crypte voûtée de même dimension, creusée dans le roc et soutenue par quinze arcs en plein cintre. Par une échelle de fer assez raide, on peut descendre dans ce qui fut peut-être le premier lieu de culte et ce que l'on présentait à l'époque hellénistique comme le palais d'Hadès et de Perséphone. C'est dans la pièce centrale que l'on a découvert diverses roues dentées en bronze (exposées au musée de Ioannina), ainsi que des contrepoids ayant permis de déduire la présence d'un appareil de levage semblable à ceux que l'on rencontrait dans les théâtres. Nul doute que devant une telle machinerie, après des jours de macération, de jeûne, de silence et d'obscurité, et entendant sans doute avec effroi les bruits qui provenaient de la cave où se tenaient des prêtres dissimulés au regard, le fidèle était dans d'excellentes dispositions pour converser avec les esprits.

Après son entretien avec les morts, le consultant sortait du sanctuaire par un autre chemin. Il devait encore subir plusieurs jours de purification avant d'être rendu à la liberté, non sans avoir juré de garder le silence sur son expérience, sous peine de se voir accusé d'impiété, un crime gravissime chez les Grecs.